« La jeunesse hors les normes »

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« La jeunesse hors les normes ». C’est un cri, une tentative pour les adolescents de dire ce dont ils ont honte de dire à leurs parents, une tentative de retrouver leur place dans le langage. La clinique hors les normes est liée, avant tout, à l’impossibilité de reconnaître et de nommer un nouveau désir surgissant dans le corps avec l’apparition de la sexualité qui envahit les pensées du sujet.

La définition du mot « norme » est liée à la règle, à un ordre prédéfini. De ce mot découle un autre mot : « normal » ou « psychiquement sain ». La famille, en tant que système, définit les règles, les droits et les obligations de ses membres sous forme d’une narration. Chaque société doit se confronter au changement permanent et s’adapter au questionnement du savoir – ce qui la secoue et la rend moins stable. Jacques- Alain Miller dit qu’il y a immixtion de l’adulte dans l’enfant[1]. Dans notre pratique, on en aperçoit la trace lorsque les parents viennent nous parler de leurs adolescents, de comment ils sont impossibles et bizarres et de ce qu’ils font qui ne leur paraît pas normal. Les parents se plaignent souvent qu’ils n’arrivent plus à les contrôler, que les adolescents sont distraits, qu’ils font des bêtises etc. L’adolescence, c’est une période durant laquelle le sujet ne parvient pas à nommer ses sensations provenant du corps. L’adolescent essaie alors d’inventer un nouveau langage. Philippe Lacadée appelle ce langage « le langage de l’authenti-cité »[2], lié au corps et aux pulsions. La sexualité de l’adolescent remet en question l’ordre dans la famille. La famille d’aujourd’hui varie, entre les cohabitations, les différents rôles et fonctions, l’adolescent se trouve d’autant plus en difficulté dans sa tentative de reconnaître l’autorité. De cette façon, l’adulte n’inclut pas l’adolescent dans la transmission du savoir, ce qui enlève le sujet de la hiérarchie familiale. L’adolescent va alors chercher le savoir ailleurs pour finir par se confronter au vide du savoir. Dans sa recherche d’émancipation, d’indépendance et de puissance, la verbalisation des sensations et des sentiments disparait. L’adolescent ne peut s’appuyer sur les repères des adultes, sur leurs outils pour s’exprimer, ce qui renforce son sentiment de confusion. Lorsqu’on ne comprend pas quelque chose, qu’on ne peut le nommer, cela ne veut pas dire que l’on ne doit pas en parler. Il est impossible de contrôler ce que font les adolescents à partir des normes, des règles et de l’ordre. Il est néanmoins possible de leur donner un espace où ils pourraient parler de ce qui est « en trop » pour eux et qui est en dehors du discours familial. Ils ont besoin de cet espace pour pouvoir inventer leur propre langage et leurs propres normes, pour affronter ce qui leur est insupportable. Ici la psychanalyse trouve sa place en accompagnant le sujet quand il dit « non », en disant « oui » à son désir, dans la recherche d’un nouvel amour différent de celui des parents.

 

[1] Miller J.-A., « En direction de l’adolescence », Intervention de clôture à la troisième journée de l’institut de l’enfant.

[2] Lacadée P., L’éveil et l’exil, Paris, Éd. Cécile Defaut, 2007, p. 105.

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