Kool Koor et Denis Meyers – Typographie, lettrage, calligraphie
Typographie, lettrage, calligraphie
Présentation des vidéos-interview de Denis Meyers et Kool Koor
par Maud Ferauge
Pipol 8 est allé à la rencontre de deux artistes belges. Tournaisien d’origine pour l’un, New yorkais pour l’autre, ils partagent la même aversion pour les catégorisations. La classification « street art » ne signifie rien pour eux, néanmoins ils tiennent à ce qui les a faits.
Denis Meyers se revendique typographe, une formation qu’il a suivie à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts de la Cambre mais qu’il tient aussi de son grand-père, Lucien De Roeck, qui a notamment créé l’emblème et l’affiche de l’expo universelle de 1958. C’est avec lui qu’il a commencé à écrire et à dessiner tous les jours. Il s’est fait connaître entre autres par ses stickers dont le principe réside dans l’aptitude à diffuser dans les plus brefs délais un message ou une image sur des murs, ou poteaux, sans se soucier de son illégalité. Dans le travail « Remember – souvenir » qu’il a réalisé dans le bâtiment industriel Solvay, on y retrouve ses stickers en forme de longs et fins visages imprimés et découpés à la main. Sur les murs, sur les portes, sur les fenêtres de ce bâtiment, Denis empile les mots et décharge ses souvenirs, les transforme, leur donnant une nouvelle vie. Sa recherche graphique passe par les carnets de croquis qu’utilisent les «graffeurs » pour définir le contour de leurs lettres. L’entretien débute sur cette expo.
Kool Koor tient à l’appellation de « writer ». Evoluant dans un milieu féminin où l’art faisait partie de la vie quotidienne, il a néanmoins été marqué de façon contingente à 13 ans par le « writing » — référence à l’acte d’écrire. Il s’intéresse alors à la résonnance sonore des lettres « K » et « R » qui formeront sa signature. Très rapidement, sa recherche graphique va s’inspirer de la calligraphie qui deviendra l’essence du lettrage. Dans la guerre des lettres, telle qu’il l’évoque dans son témoignage, les lettres sont soumises à des bouleversements, à des recherches incessantes et prennent des nouvelles formes, tri-dimensionnelles. Quarante ans après, son travail est toujours en perpétuelle évolution, à la recherche de nouvelles formes sur les murs ou sur les toiles. Des lignes se courbent, se fondent se transforment entrainant celui qui regarde dans un voyage sans fin à l’intérieur d’un équilibre architectural dont il nous donne l’explication dans cet entretien. La bande de Moebius inspire aussi son travail. Ses œuvres sont présentées dans les musées les plus prestigieux du monde comme le Metropolitan Museum de New York, The Groninger Museum aux Pays Bas et le Bam en Belgique.
Le travail de la lettre est sans doute ce qui les relie. Si pour Denis Meyers, le mot fait la lettre, pour Kool Koor, la lettre s’extrait de la signature pour ensuite s’étendre sur la toile ou sur le mur ; le mur étant une toile qui ne bouge pas. Pour Denis Meyers, le mur est susceptible d’être détruit à ceci près que si détruire, c’est se réinventer, la photographie permet de pérenniser l’œuvre en mots et en images. Ce que tout deux disent du lettrage n’est pas sans m’évoquer un passage du texte de Lacan de 1972 « je parle aux murs » : « Supposez que Platon ait été structuraliste, il se serait aperçu de ce qu’il en est vraiment de la caverne, à savoir que c’est sans doute là qu’est né le langage (…) l’homme a dû s’apercevoir que les k, ça résonne mieux du fond, du fond de la caverne, du dernier mur et que les b et les p, ça jaillit mieux de l’entrée, c’est là qu’il a entendu la résonance.[i] ». Si Lacan dit aussi que : « les murs, c’est fait pour entourer un vide[ii] », il n’en est pas moins « qu’entre l’homme et le mur, il y a la lettre, la lettre d’(a)mur [iii]».
[i] Lacan J., « Je parle aux murs », Collection Champ Freudien, Editions du Seuil, 2011, Paris, p. 89.
[ii] Ibid., p.87.
[iii] Ibid., p.112.
Denis Meyers, le « type-aux graphes » – interview réalisée par Maud Ferauge et et Pauline Devos.
Vidéo réalisée par Céline Danloy.
Denis Meyers, le « type-aux-graphes » from Céline Danloy on Vimeo.
Kool Koor, The arbitrator – Interview réalisée par Maud Ferauge et Marie Bremond.
Vidéo réalisée par Céline Danloy.
Kool Koor, The arbitrator from Céline Danloy on Vimeo.