MY WAY

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My Way, c’est pour moi une chanson. Dans mon enfance, le tourne-disque installé dans le salon familial entonnait inlassablement cette ritournelle de Claude François, Comme d’habitude.

Comme d’habitude, j’allais à l’école, puis au lycée, à l’université, à Sciences Pô où j’ai rencontré François qui deviendra mon mari.

Comme d’habitude a connu un virage. Je m’installe comme antiquaire. Je laisse tomber la gestion financière. Dans cette boutique, je me passionne pour les jouets anciens et notamment les poupées en porcelaine que je finis par réparer ! Je recolle, cache, camoufle les fêlures pendant quinze ans.

Ce disque tourne toujours jusqu’au jour où je me dis : « je vais retourner à l’université ». Je m’inscris à la fac de psychologie. Le premier stage en psychiatrie vient bousculer Comme d’habitude et c’est à ce moment-là que My Way surgit. Je décide d’aller rencontrer un analyste. Au fil des séances, le signifiant « maison » se singularise et en même temps mon parcours professionnel change. Je deviens « psychologue » et j’obtiens un poste à temps partiel dans un Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP). J’exerce également dans un hôpital de jour, accueillant des patients psychotiques adultes. J’ai laissé les poupées cassées et je me suis passionnée pour la création des marionnettes et leur mise en scène.

Je me retrouve confrontée à Comme d’habitude. Il m’est gentiment proposé de ne plus recevoir les parents des enfants que je rencontre à l’ITEP, car « ça ne s’est jamais fait ! » Je choisis de donner ma démission.

My Way et Geppetto.

Je me souviens avoir dit à un ami « Je voudrais créer une maison d’enfants ». Pendant deux ans, nous nous sommes réunis très régulièrement, à dix, pour peaufiner ce projet. C’est ainsi que Geppetto a ouvert ses portes en 2008. Nous avions élaboré un plan « Extra-Ordinaire », très ambitieux, une grande maison, du personnel, des ateliers. L’orientation lacanienne était une évidence.

Notre désir a rencontré Madeleine. Madeleine était reçue par un collègue qui l’a très vite imaginée à Geppetto. Même si Geppetto est un dispositif, il nous fallait bien un lieu, un espace pour que les corps se rencontrent. Notre grand projet n’avait pas reçu l’aide financière espérée. Nous n’avons pas lâché pour autant. Nous avons été hébergés dans une pièce prêtée par la paroisse du quartier pendant deux ans.

C’est alors qu’avec Édith et Didier, nous avons tous les trois accueilli Madeleine et sa mère. Lors de la première rencontre, nous les avons reçues toutes les deux. Madeleine cachait son visage avec une mèche de cheveux. Sa mère relatait le décrochage, la rupture scolaire, le mal-être de sa fille. À la fin de cette séance, j’ai proposé à Madeleine de revenir la semaine suivante. Elle est effectivement revenue avec sa mère. Cette dernière précisa que Madeleine ne voulait pas continuer. Je l’ai alors regardé et lui ai proposé de venir à Geppetto avec sa mère. Elle s’est redressée et à notre surprise a dit : « Je ne veux pas te séquestrer ». Sa mère a rétorqué : « Je ne veux pas prendre de ton temps ».

Nous les avons accueillies, accompagnées pendant plusieurs années. Il y a peu de temps, nous avons reçu une carte postale de Madeleine partie en vacances en Irlande. Cette dernière représentait une série de portes ouvertes de toutes les couleurs. Madeleine y a écrit : « J’ai pensé à vous ; chers Geppettistes, en voyant toutes ces portes ouvertes. Merci de m’avoir ouvert votre porte ».

À ce jour, je dirais que Geppetto est un dispositif d’accueil et d’accompagnement de la parole, de la souffrance des jeunes et de leurs parents, mais parole et souffrance dont nous tentons de faire quelque chose. Nous nous orientons dans chaque rencontre, au cas par cas, de la singularité du symptôme. Notre désir est d’offrir un espace de parole au jeune et à ses proches. Ils viennent ensemble, ou pas, mais rien n’est standard. La psychanalyse d’orientation lacanienne est notre boussole. Nous la soutenons et la défendons.

En décembre dernier je me suis permis d’écrire à notre député de circonscription quand il a été question du vote de la résolution Fasquelle. Madame Valérie Fourneyron, députée à Rouen, a reçu mon écrit et s’est déplacée à Geppetto accompagnée de son attaché parlementaire, Monsieur Kader Chekmani. Elle nous a signifié : « À Geppetto, vous vous occupez de la souffrance des jeunes et de leurs parents. Effectivement ça n’a rien à voir avec l’éducatif et le comportemental !

Pour terminer

Geppetto a presque dix ans et ce dispositif évolue également grâce à ce que nous appelons « nos rencontres régulières » avec Serge Dziomba, analyste et membre de l’École de la Cause freudienne. C’est ce que je qualifie être la jonction entre My Way et Comme d’habitude.

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