À ma manière

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Le CPA – Madrid[1] est une institution de psychanalyse appliquée du type CPCT, mais avec la particularité qu’il a été créé à partir du désir de quelques membres de l’École lacanienne de Psychanalyse à Madrid. Andrés Borderias en est le directeur. L’équipe se compose de sept personnes. Le traitement est gratuit et limité dans le temps. Le local a été prêté par la mairie de Madrid : quelques bureaux situés dans un Centre d’Aide sociale en plein centre ville. Les seules dépenses à couvrir sont les frais téléphoniques ainsi que l’achat d’un cahier pour l’inscription des demandes. Le centre fonctionne depuis trois ans et demi. Nous recevons des patients envoyés par divers services de santé mentale, par le bouche à oreille, par le NUCEP[2], par des membres de l’École, par certains centres sociaux de la ville, et également par des collègues d’autres pays.

Nous organisons chaque année des Journées, ouvertes au public, qui réunissent environ cent trente personnes. Les dernières, sur le thème « Gagner sa vie », nous ont permis non seulement d’exposer des cas, mais aussi de montrer à un public non initié comment opère la psychanalyse. Les réunions cliniques qui ont lieu dans notre cabinet tous les quinze jours donnent lieu à des discussions très animées sur les cas. Cette année nous avons choisi comme thème d’investigation, le temps dans toutes ses modalités.

À partir de cette expérience nous avons lancé au NUCEP un département de recherche sur la psychanalyse appliquée. Nous y invitons à présenter leurs expériences des collègues d’Espagne et d’autres pays de l’AMP. Ce département fait partie des enseignements donnés au NUCEP. Andrés Borderias et moi-même en sommes responsables, tandis que l’équipe du CPA est responsable de l’organisation de certaines réunions.

Je conclurai avec une brève vignette clinique. Un jeune universitaire s’adresse au CPA pour un mal-être diffus. La confrontation avec un analyste, inhabituelle, lui paraît bien étrange. Que lui arrive-t-il ? Il ne sait pas bien. Il y a comme une apathie dans sa façon de parler, mais il s’y engage, et il dit : « Ils m’ont supprimé le numéro matricule de l’université pour ne pas m’annoncer qu’il fallait payer le second versement. » Je lui demande : « Devait-on vous en avertir ? » « En fait, je ne me suis pas soucié du second délai de versement. Cela m’est déjà arrivé l’an dernier, j’avais oublié le dernier versement. Je ne le paye pas avec mon argent… si c’était le cas, je ne l’oublierais pas », ajoute-t-il. « Ah! » lui dis-je, et je mets fin à la séance. Il m’avertit qu’il ne pourra venir à la suivante parce qu’il doit aller à un championnat de rugby. Lors de la séance suivante, il me dit : « J’ai réfléchi à ce dont nous avions discuté. J’ai trouvé un travail à temps partiel. » « Très bien ! » lui dis-je. « Si un jour vous voulez faire une analyse, vous pourrez payer les séances avec votre argent. » Il me demande mon numéro d’appel et me fait ses adieux.

Dans cette brève vignette, le sujet passe de l’indécision initiale à la mise en paroles d’un oubli qui s’est répété, il a oublié de payer ; dans le même temps il reconnaît que cet oubli est dû au fait qu’il ne paye pas avec son argent. La présence de l’analyste a suffi, avec la coupure de la séance, pour produire en acte une rectification subjective. Il a cherché un emploi, il a trouvé, il a maintenant de l’argent, il peut payer. Il sait très bien que pour s’analyser il faudra payer.

Le temps logique de ce traitement est le temps requis pour que le sujet produise une conclusion à partir du non su mis en acte en séance.

 

Traduit de l’espagnol par Jean-François Lebrun

[1] Centro de Psychoanalisis Aplicada-Madrid (CPA-Madrid)

[2] NUevo Centro de IEstudios de Psicoanalisis

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