Une famille sans maman

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S’attachant à traiter l’infertilité, la science a reculé les limites de l’impossible de la nature et promet un enfant pour tous. Un documentaire Deux papas pour un couffin[1] donne la parole à un couple gay qui recourt à la gpa[2] et à une mère porteuse.

C et B ont une idée précise de la famille qu’ils veulent fonder. Chacun souhaite être père biologique de son bébé et créer une filiation de sang entre leurs enfants. Être au plus près du lien de sang est pour eux le signe inconditionnel du fondement familial.

En France, satisfaire leur désir d’enfant est impossible. La loi interdit la gpa depuis 1991. Ils doivent donc concevoir à l’étranger.

Aux États-Unis, des agences spécialisées[3] contractualisent le processus. Pour un couple gay, la gpa se divise entre la génitrice qui fournit l’ovule, la gestatrice qui porte l’enfant et donne naissance, et l’insémination par les deux pères. Les spermatozoïdes prélevés fécondent les ovocytes d’une donneuse qui n’est pas la mère porteuse pour « limiter l’attachement à l’enfant ». Les œufs sont transférés dans l’utérus de la mère porteuse. La donneuse d’ovocytes n’est pas anonyme, elle est sélectionnée sur catalogue, ce qui a gêné le couple. Ils décident de ne pas la rencontrer.

En Oregon, V., de confession chrétienne et mère de deux enfants, après avoir vu un reportage sur la gpa, a eu comme une révélation et pense être la meilleure pour faire des bébés. Les contraintes médicales sont lourdes et l’abstinence sexuelle est de rigueur, mais elle aime être enceinte et a convaincu son mari. Être mère porteuse est un don d’amour. Son engagement prend des allures messianiques quand d’un regard elle repère « ceux qui feraient de très bons parents, et devraient avoir des enfants ». Mère-Toute, elle procrée pour autrui qui se confronte à l’impossible du réel biologique de la reproduction.

En France, les enfants nés par gpa à l’étranger n’ont pas d’état civil. Depuis leur naissance, les deux petites filles du couple ont un passeport américain. La gpa introduit de facto des pères certains, mais l’État français ne reconnait pas leur paternité. Grâce à la circulaire Taubira, ces enfants obtiennent un certificat de nationalité, mais pas de reconnaissance de filiation.

Pour ces deux papas, la relation s’instaure sur le mode « à chacun sa chacune », l’un et l’autre sont branchés sur leur propre bébé. La ressemblance physique est l’indice d’une filiation. Là où l’État se révèle carent de reconnaissance symbolique, les papas recourent à l’imaginaire.

Durant les mois que dure le processus, des liens se créent et les places sont redéfinies. V s’introduit comme « Tata » et sa propre mère, comme « grand-mère supplémentaire » des jumelles. V. l’affirme : « je suis leur mère, mais c’est eux les parents ».

La gpa a ceci de hors-norme que la mère définie comme celle qui accouche n’est pas le parent. Ce documentaire éclaire parfaitement cette disjonction.

 

[1]Diffusé sur France 2 en octobre 2014 et réalisé par Florence Helleux et Smaïn Belhadj.

[2] Gestation pour autrui

[3] Le coût est très élevé.

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