La solution par les murs
Aujourd’hui la dimension du pacte, qui est au fondement de tout lien, est devenue caduque. Nous vivons dans une société globalisante et asociale. Les conséquences subjectives de ce processus de déliaison, s’entendent dans les déplorations des sujets, pris un par un, au sujet de la solitude et la précarité des liens.
De ces phénomènes, dès 1967, Lacan avait proposé une interprétation, quand, parlant de camp de concentration, il disait : « […] ce que nous en avons vu émerger, pour notre horreur, représente la réaction de précurseurs par rapport à ce qui ira en se développant comme conséquence du remaniement des groupements sociaux par la science, et nommément de l’universalisation qu’elle y introduit. Notre avenir de marchés communs trouvera sa balance d’une extension de plus en plus dure des procès de ségrégation ».[1]
La ségrégation est devenue une des nouvelles façons de traiter les différences. Le psychanalyste ne peut pas ignorer ces phénomènes, ni surtout, ce qui est au principe de la déliaison que, dès « Radiophonie »[2], Lacan mettait en relief comme ce qui manque à s’inscrire entre les sexes, formule qu’il a reprise plus tard avec « Yad’lun ».[3]
Dans notre société fondée sur les droits de l’homme, on dénonce la ségrégation et on essaye de la contrer, mais ça ne marche pas, ou très mal, à cause de la racine commune inconsciente de la ségrégation qui, elle, est subjective. On pourrait dire, dans cette perspective, que loin d’être seulement imposée, elle est choisie.
Lacan donne la clé de l’option ségrégative quand il parle « racisme des discours en action »[4]. Les discours fabriquent des races de jouissances qui, comme les symptômes individuels, président à ce qu’on choisit et à ce qu’on déteste.
Le capitalisme globalisant, en accord avec la science produit des effets de précarisation des identités sociales et fait monter, par conséquent, les revendications identitaires. Mais on reste alors dans le champ des identités, des aliénations qui nous sont attribuées par l’Autre. Pour ce qui est d’une identité singulière qui résulte de la présence en nous de l’inconscient réel, qui est mise en question de l’identité que chacun s’attribue, elle n’a pas de lien intrinsèque avec la question de la ségrégation, toujours sociale.
Celui qui vient nous voir se plaint souvent que son identité ne soit pas reconnue ou, au contraire, d’être soumis à des index sociaux identitaires et ségrégatifs qui le placent du côté de la norme ou de l’atypie. C’est pourquoi il importe de la rectifier dès l’abord, de la mettre en cause pour laisser place au sujet supposé, au « ça parle » de l’inconscient qui fabrique ses symptômes.
[1] Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 257.
[2] Lacan J., « Radiophonie », Paris, Seuil, 2001, p. 403.
[3] Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, Paris, Seuil, 2011, p. 137.
[4] Lacan J., « L’étourdit », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 462.
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