« Chez nous » de Lucas Belvaux, France, Belgique, 2017 : Le bruit des bottes…

Quand la vieille peste brune se relooke en bleu Marine, ne pas refouler le bruit des bottes ! C’est tout le sens de l’appel des psychanalystes que Jacques-Alain Miller vient de lancer pour contrer la montée de Marine Le Pen. Ce film est vraiment à voir, l’auteur démontre très bien le mécanisme de dédiabolisation du FN actuel, sa recherche de respectabilité, sa volonté de nettoyer son discours de campagne pour apparaître comme nouveau, dégagé du “clivage” gauche droite, apparaître comme non-raciste, proche du peuple, et débarrassé de ses liens avec les groupes néonazis, paramilitaires, qui pratiquent des agressions contre les immigrés, des “ratonades” qui coûtent la vie, la vie qu’ils méprisent. Le fachisme, pour l’appeler par son nom, est quand même en train de se répandre dans les quatre coins de l’Europe. Sans parler de l’outre-Atlantique. Lucas Belvaux démontre bien la stratégie de nettoyer le discours des stigmates de la haine et de la ségrégation, la norme blanche, occidentale et chrétienne, française. Ce nettoyage n’empêche nullement de surfer sur la vague de la peur et du rejet de l’étranger qui sévit aussi dans la population. Ce n’est pas dans le scénario que réside la force du film, mais bien dans la panoplie large des profils que le parti arrive à toucher. Ainsi le petit ami de l’héroïne, Stanko, qui fait partie d’un groupe paramilitaire néonazi. Ce groupe a jadis servi les intérêts du parti. Mais aujourd’hui, relooking, pour une ligne plus soft, il ne faut plus que ce lien apparaisse. Le service d’ordre du parti, ceux qui ont su troquer l’uniforme pour le costume, fait le ménage dans ses propres rangs pour faire croire que leur politique a changé. La jeune candidate Pauline, recrutée par le parti, via le bon Docteur Berthier, est sommée de se débarrasser de son compagnon qui fait maintenant tache et risque de compromettre la campagne. Il faut dire que bien qu’ayant appris son appartenance à ce groupe, elle ne cherche pas à en savoir plus ! L’amour est aveugle ? Parfois, mais cela lui pétera à la figure à la fin du film. Pauline refuse de se séparer de Stanko, et abandonne son mandat. Qu’à cela ne tienne, une autre prendra sa place, sa meilleure amie, qui surfe sur l’argument : on ne va quand même pas nous dire comment on doit faire chez nous ! Chez nous, si on veut bien lire entre les lignes, fait résonner évidemment que les étrangers ne sont pas chez eux, qu’il faut les chasser, les éliminer ! Ce film est proche d’un documentaire qui tente de serrer son point de réel. Ici, le réel de la haine. Finalement, Pauline tombe sur un selfy fait par son compagnon lors d’une expédition punitive pour “corriger” les migrants.
Ce que la psychanalyse lacanienne guette, c’est l’étranger de la jouissance qui est en chacun de nous. Qu’il nous faut reconnaître, accueillir et savoir faire avec.