Pourquoi l’article d’Anaëlle Lebovits-Quenehen…
Pourquoi l’article d’Anaëlle Lebovits-Quenehen contre Marine Le Pen, paru dans Libération1, me touche-t-il spécialement ?
Parce qu’il se situe, à mon avis, autrement dans « la politique, c’est l’inconscient ».
La preuve, c’est qu’on y lit, peut-être pour la première fois, les trois générations de la Shoah – chose si vivante encore, ici en Israël – avec les trois générations de la forclusion de Lacan.
On discute, on débat. Est-ce que la Shoah est un argument politique ? Peut-on utiliser la Shoah comme argument pour telle ou telle position politique ?
Mais non. C’est plutôt de l’oubli qu’il s’agit ! De l’oubli, comme d’un absolu. L’oubli, cet absolu.
L’article de Anaëlle Lebovits-Quenehen est un réveil. C’est que l’inconscient, est la politique. Au moment où nous sommes suspendus à la disparition prochaine des derniers témoins des horreurs de la Shoah et de l’Occupation allemande, nous oublions nous-mêmes, nous dit-elle, des faits parfaitement établis : comme les liens Dieudonné – Le Pen, la valse à Vienne de Marine Le Pen chez les néonazis en 2012, etc.
Il y a un retour, qui n’est pas seulement de l’ordre du dit « totalitarisme ». Shaoul Friedlander, l’historien de la Shoah, redoute ce terme de Hannah Arendt, précisément parce qu’il croit au réel, et qu’il ne croit pas que le mal soit une banalité. Il parle du « désert théorique ». Il est un convaincu de ce qu’il y a du réel en jeu dans la politique. Voilà que les « analyses politiques donnent le sentiment d’un bla-bla-bla généralisé sans autre visée qu’une jouissance orale qui se manifeste à présent à ciel ouvert ».
Ce qui nous gouverne déjà, est là, sous les espèces de l’oubli, dit Anaëlle. Mais d’un oubli absolu, ce qu’elle appelle « refoulement total ».
Ce refoulement est insituable avec les instruments triadiques classiques de la politique : droite, gauche ou centre. Il relève du trois, oui, mais des trois générations qui entourent un trou. Un trou théorique. C’est du réel, et, comme elle le pointe aussi, la seule réponse à y opposer est peut-être une livre de chair. Un engagement du corps.
PS : Ce texte a été écrit le 21 mars 2017. J’apprends aujourd’hui que Marine Le Pen dénie toute responsabilité française dans la rafle du Vel d’Hiv. Il ne s’agit pas seulement d’oubli, il se renforce encore de négationnisme. Le péril est là, clear and present danger.
1. http://www.liberation.fr/debats/2017/03/19/le-fn-gouverne-deja_1556883