Edito My Way 23 : Pas de peuple libre sans indisciplinés [1]

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« Au temps d’avant, avant tout ça, c’était le bonheur, la vie sans se l’expliquer. » [2]

C’est quand la liberté se fait funambule que tout à coup surgissent ces façons toutes singulières de nous arranger avec le réel qui frappe le corps ; soit la chance de créer sa voie sinthomatique, et du même coup, le risque de la perdre.

Tous les textes de ce My Way – de celui de Vlassis Skolidis à celui de Sergio Caretto, en passant par ceux de Flavia Hofstetter et de Solenne Albert – mettent l’accent sur cette voie singulière que se fraie chaque sujet dans les méandres de sa jouissance qui s’ancre dans le corps. Bien que l’air du temps médical soit au découpage des corps pris en masse pour programmer un parcours de soins, le Docteur Christèle Le Gouill, médecin hospitalier d’un service de chimiothérapie rencontré par Aurélien Bomy, insiste sur le corps pris au Un par Un. C’est le point que souligne particulièrement le Docteur Pietro Bartolo – qui nous fera l’honneur d’être des nôtres en séance plénière à PIPOL –, parce que « chaque corps nous témoigne de la tragédie d’un voyage interminable ». [3]​

Oser faire porter cette voix singulière. Seule voie vers la vie, seule voie du désir. Et si c’était précisément cela l’indiscipline dont parle Georges Bernanos ? Et non pas le refus de donner sa voix, qui serait d’ailleurs peut-être davantage de l’ordre de la provocation dont on peut d’ailleurs deviner certaines accointances avec la norme.

Ce qui amène Pierre Parlant – dans son très beau texte « La jouissance létale du fascisme » – à se demander « pourquoi au lieu d’opter pour l’aventure d’une existence qui se construit infiniment, le désir d’un sujet, d’une foule se met à lorgner vers la mort […], à se vautrer dans une jouissance létale, celle des êtres qui choisissent de n’être plus, sauf à célébrer la haine, à œuvrer pour la mort ».

De cette jouissance létale, l’éthique de la psychanalyse nous invite à nous en dégager et à faire entendre notre voie hors les normes pour traiter la jouissance du côté du vivant, comme interface à la voie du désir.

 

[1] Titre inspiré de la citation de Georges Bernanos : « il faut […] beaucoup d’indisciplinés pour faire un peuple libre », Les enfants humiliés, Paris, Gallimard, 1949.

[2] Faye G., Petit pays, Paris, Grasset, 2016.

[3] Bartolo P., Les larmes de sel, Paris, JC Lattès, 2017.

 

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