Après le printemps

À mes yeux, le théâtre se présente au-delà du divertissement, il demeure loin de n’être que ça. J’y vois entre autres le rythme, le vivant qui amène dans cet au-delà, la possibilité d’une rencontre. Parler de la représentation de Ça ira (1) Fin de Louis nous convoque indéniablement ailleurs.
Remonter le temps, donner à voir et à entendre le passé conjugué au présent : voilà ce que Joël Pommerat propose avec la création Ça ira (1) Fin de Louis.
Nous, spectateurs, sommes plongés au cœur de la Révolution française. Le dispositif nous intègre de telle sorte que nous devenons partie constituante de l’Assemblée nationale.
Pas de costumes d’époque, pas de ministre Necker, pas-toute la réalité historique dans ce printemps des peuples et cependant, matière à penser sur le fondement de la démocratie, sur l’acte politique et le collectif.
Quand bien même au théâtre, c’est à la croisée, et plus encore au chevet du monde, que le rendez-vous se donne. Dépliant son parti pris, J. Pommerat avance que « le héros de cette pièce, ce sont les idées, l’imaginaire politique »[1]. Davantage, à mon sens, cette pièce interroge le sujet sur sa propre prise de parole, soulève ce qui l’anime, le traverse et l’engage. Je me souviens avoir entendu les cris de ceux qui, de mars à mai 2016, ont passé la nuit debout, de ceux d’Alep, et les discours de Maggie De Block, de Daniel Fasquelle, de ceux qui ont voulu faire du sujet un comment taire.
La collaboration entre J. Pommerat et les comédiens s’est nouée, pour une part, autour de l’étude d’archives. Pour autant, ces éléments historiques nous offrent bel et bien le goût de l’atemporalité où ce qui est dit ne peut l’être qu’à se dire à nouveau. En effet, quelque chose ne cesse pas de ne pas s’écrire et de se dire. Quelque chose ne parvient jamais à se boucler, à se comprendre. Chacun des discours de ministres relève entre eux de la non-équivalence, d’un conflit. Ceci ouvre à bien des subtilités dialectiques où ministres sur scène et ministres spectateurs ont à leur charge de se « débrouiller », de « bricoler » avec cela. Demeure la question d’un héritage, d’une constitution établie par les uns et reçue par les autres, avec lesquels « ça ira ». Peut-être encore s’agit-il de savoir y faire ou de faire avec.
Au sortir de la représentation, je ne pense pas que nous ayons tous le vœu de changer le monde, mais peut-être, à qui veut bien le saisir, entendons que nous avons du moins encore notre mot à dire.
[1] Pommerat J., sur le site du Théâtre National de Bretagne : http://www.t-n-b.fr/fr/saison/ca_ira_1_fin_de_louis-1007.php