BASQUAIS – prélude à SAMO©, Un regard acéré sur la société

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L’œuvre de Jean-Michel Basquiat est profondément imprégnée des événements « raciaux » de l’histoire américaine, de musique, ainsi que de la culture urbaine. Rappelons que Basquiat a commencé dans le domaine de l’art par le graffiti avec SAMO©. Il conservera toute sa vie durant son regard acéré sur la société et cette formidable ironie à l’encontre du commerce de l’art. Graffeur, peintre, dessinateur, musicien, producteur de disques, acteur, mais aussi poète, nous sommes en présence d’un artiste extraordinairement prolifique, « The radiant child », comme l’a surnommé, dans son fameux article René Ricard1, en 1981, allusion bien sûr au radiant child de Keith Haring.

Jean-Michel Basquiat est né en 1960 à New York, d’un père d’origine haïtienne et d’une mère portoricaine. Mais il ne venait pas des quartiers défavorisés, comme se plurent à le croire de nombreux critiques et journalistes. Expert-comptable, son père est issu d’une famille de l’élite haïtienne qui a émigré aux États-Unis pour des raisons politiques. 

Sa mère, Matilde, l’emmène souvent voir des expositions, au Metropolitan Museum of Art (MET) où ils admirent les arts égyptien, précolombien, assyrien, hittite, asiatique, mais aussi les grands classiques de la peinture : Vermeer, Rembrandt, Monet… Ils vont au MoMa, où Basquiat découvre Pollock et ses drippings, Picasso, Matisse (dont la couleur le subjugue). Sa mère a elle-même des dispositions artistiques, la mère de celle-ci peint aussi. Basquiat dira, lors d’une interview en 1986 : « Tout ce qui est artistique vient de ma mère. »2, en réponse probablement aussi à l’intérêt nouveau du père pour son fils depuis qu’il est devenu une star…

Père qui, durant l’enfance, demeura froid et exigeant envers son fils et avec lequel Jean-Michel est parti vivre au moment de la séparation de ses parents, sa mère devant être internée plusieurs fois. Dépressive, elle se montre parfois menaçante envers ses enfants et son mari. Elle aurait tenté de tuer toute la famille en voiture, a-t-il pu raconter. Folie maternelle donc… Néanmoins, quand elle part, Jean-Michel se sent abandonné… 

Enfant, quand il ne dessine pas, Jean-Michel dévore livres, magazines, illustrés. Il évoque souvent un accident : courant après son ballon, il a traversé la rue et un véhicule l’a heurté. Il a sept ans, il doit subir une opération : l’ablation de la rate, et rester un mois à l’hôpital. Sa mère demeurera à son chevet et lui offrira le Grays’ Anatomy, ouvrage d’illustrations médicales, descriptives du corps humain. Le livre va le fasciner et on retrouvera dans nombre de ses œuvres des références à cet ouvrage, comme à l’accident. Gray sera aussi le nom du groupe, de rock noise, qu’il va former par la suite (en 1979).

D’élève assidu à l’école, qui apprit à lire à quatre ans, curieux de tout, il va se montrer rebelle à l’autorité. Il fugue souvent de chez son père, est exclu des écoles dans l’adolescence. Alors, il se drogue, il dort dans la rue, erre, dit se prostituer aussi pour quelques dollars. Son père l’inscrit dans une école qui a pour programme d’enseignement l’exploration de la ville, la City-As-School pour jeunes rétifs aux enseignements classiques. Peu banal donc comme établissement. C’est là que Basquiat va rencontrer Al Diaz et que l’aventure de SAMO© va débuter. À suivre…

1 RICARD Rene, « The Radiant Child », in ARTFORUM Magazine, December, 1981.

2 HAGER Steven, Art after Midnight, Saint Martin’s Press, 1986.

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