Un « psy-tout-terrain »

Un « psy-tout-terrain », telle est la drôle de formule qu’employait un de mes collègues et ami pour me présenter lors d’un après-midi de travail où je parlais d’une rencontre étonnante, faite avec un jeune branché essentiellement sur les jeux vidéo dont le radical et inquiétant isolement caractérise si souvent les jeunes aujourd’hui. Parler n’était pas à priori son fort, et il en avait déjà fait les frais par le passé avec toutes de sortes de spécialistes qui lui avait été recommandés. D’autant que ceux qui le conduisaient jusqu’à ces spécialistes ne manquaient pas de parler pour lui. Toutes les tentatives pour le rescolariser, le rencontrer, le faire dire, avaient capoté. Difficile de croire à une possible rencontre. Ce jour-là, je l’accueillais pour la première fois. Il était avec sa mère et il n’a rien dit, regardant ses chaussures. Jusqu’à ce que je propose un repas prochain avec lui dans l’un des meilleurs fast-food de la région – le journal en attestait le matin même. La proposition lui plut et elle permit qu’il m’acceptât peu à peu là où il passait tout son temps, c’est-à-dire dans sa chambre. Je découvrirai au fil des rencontres, ce qui faisait réellement pour lui, hors les normes, l’énorme de sa jouissance : une petite amie, à peine fréquentée, avait fait surgir comme par effraction l’amour, et le feu qui l’avait embrasé n’était pas éteint.
La psychanalyse lacanienne, avec notamment le tout dernier enseignement de Lacan et la lecture qu’en fait pour nous J-A Miller, est une psychanalyse très contemporaine, tout terrain si l’on veut et qui permet de se faufiler entre les normes et les objets qui vaudraient pour tous, pour saisir celle et celui que le sujet pourra se fabriquer sur-mesure. Choisir la psychanalyse, c’est choisir d’épouser son temps en ne reculant pas sur ce qui fait l’énorme de la jouissance, en commençant par la sienne C’est ce qui fait, quoi qu’en dise les mauvaises langues, sa jeunesse, sa vivacité, et son efficace !