Vers une nouvelle clinique de la parentalité

La clinique contemporaine de la parentalité témoigne d’un usage pluriel de l’être parent dans nos sociétés.
L’avancée de la biotechnologie associée à l’offre du marché définit de nouvelles modalités de jouissance, modifiant ainsi le champ de l’objet humain. En ouvrant le champ des possibles, un monde inédit dévoile une distinction entre désirer et vouloir. L’arrivée d’un enfant en est un des exemples les plus parlants.
Ainsi, à l’évocation de la signature du document pour engager une procédure d’adoption, une patiente nous dit : « Au moins là, il n’y a pas de non-dit, on sait tout, c’est clair ! » En agissant sur le réel induit par la naissance d’un enfant, le sujet tente de l’approcher par une tentative de le saisir par l’imaginaire et le symbolique.
Sur la scène de la parentalité, qu’elle soit partagée ou solitaire, ce qui se joue aujourd’hui court-circuite la question sexuelle. Ainsi, une maman solo ayant bénéficié de dons d’ovocytes dans le cadre d’une PMA (procréation médicalement assistée), précise : « Pour ma fille, je suis à la fois son père et sa mère ». Voulant faire consister le couple parental, ce sujet se propose à la fois comme père et mère, indiquant par là combien l’appel au Nom-du-Père s’impose à elle.
De fait, on peut dire que le marché, dans sa forme contemporaine, réifie l’enfant comme objet de fabrication d’un nouveau design.
Objet fétichisé, pris dans un transitivisme aliénant, il se fait porteur d’une promesse de jouissance d’être une part idéalisée, voire rêvée, du ou des parents. À ce titre, l’objet peut être présenté comme ayant une valeur intrinsèque, agalmatique ou, au contraire, se dévoiler comme ne répondant pas à la satisfaction promise.
Lorsque le réel de sa singularité surgit, il peut ainsi être ravalé au champ de l’objet déchet[1]. Une mère nous parlera alors de « l’enfant » comme celui qui « l’insulte, lui veut du mal ».
À cet égard, la pratique illégale de la réadoption, désignée par le terme de rehoming[2] aux États-Unis, illustre ce glissement où l’enfant pris dans les rets du discours marchand devient « un objet jetable »[3].
La parentalité dans nos sociétés – prise entre demande infinie et désir – dévoile un mode de jouir dénudé, venant interroger les nouvelles formes de relation métonymique à l’enfant fait objet.
L’enfant contemporain révèle à ce titre qu’il a la charge de constituer sa famille. Au-delà des modalités de sa procréation, de son adoption, ce qu’un enfant devient dépend d’abord de ce qu’il en fera, dans l’après-coup.
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, Paris, Seuil, 2011, p.235.
[2] http://www.france5.fr/emission/etats-unis-enfants-jetables/diffusion-du-12-04-2016-20h45.
[3] Lorraine Millot, correspondante à Washington – 22 juin 2014 http://www.liberation.fr/societe/2014/06/22/etats-unis-cede-enfant-adopte-10-ans-3-500-hors-taxe_1047727