« Encore » ?

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Le Centre thérapeutique et de recherche de Nonette accueille depuis de nombreuses années des enfants, des adolescents et des adultes psychotiques. Sous l’impulsion de Jean-Robert Rabanel, cet accompagnement est orienté par la psychanalyse et plus particulièrement par l’enseignement de Jacques Lacan. C’est au niveau de l’accueil le plus quotidien, le plus banal, que se construit cet accueil, à partir de la rencontre entre les résidents et les intervenants. Il s’agit pour chacun de respecter la façon dont chaque sujet s’oriente dans le monde et dans la relation à l’autre. Si l’institution reste docile aux défenses que le parlêtre a instauré pour mettre un frein à la jouissance, c’est grâce à la contingence de la rencontre que cette défense peut être déplacée pour créer l’espace d’un nouveau lien à l’autre, au corps et à la langue. Faire résonner à nouveau l’impact du signifiant sur le corps, trouer ce qui s’est instauré dans la rencontre du sujet avec le signifiant, apprendre la langue singulière de « chaque un » constituent la trame de notre voie pour arraisonner la voix qui, bien souvent, s’impose au sujet. Faire surgir la surprise, l’invention, au lieu même de l’habitude, de la répétition, de la réitération pour lui donner chance de tracer d’autres voies, c’est le pari que nous faisons au un par un, pour être dupes, de la bonne façon, d’un réel qui a cessé de revenir à la même place. Cela suppose de tirer les conséquences du fait qu’il n’y a pas de rapport et qu’il y a seulement la jouissance. Attentifs à ce qui se noue et se dénoue, à ce qui se branche et se débranche, c’est la joie que nous trouvons dans notre travail qui nous donne la mesure du déplacement qui peut s’opérer de la jouissance à la satisfaction, signe d’une perte qui crée du lien à l’endroit même du « laisser tomber ».

Cette pratique hors normes se maintient depuis des années dans l’espace public, celui des politiques publiques. Elle s’y maintient au titre du symptôme, du symptôme qu’elle incarne d’exister comme signe du processus de ségrégation à l’œuvre dans la civilisation. Longtemps elle a été considérée comme un moindre mal d’être une institution poubelle, ce qui a pu être nommé en tant que tel. C’était le temps où le hors-norme pouvait exister du fait que la norme relevait du langage, de la nomination et non du chiffre. Aujourd’hui les normes ont pour vocation de couvrir la totalité du champ de l’humain en opérant un déplacement entre le soin et la prévention, ce qui a pour conséquence la disparition anticipée du symptôme. Comment donner chance au symptôme de poursuivre sa course ? En s’orientant à partir de l’éthique qui fonde notre clinique, soit faire respecter les droits de chacun à la singularité. Faire valoir le droit de chaque sujet à la singularité, ce qui nous permet d’ajouter notre voix à celle des parents et des familles, c’est s’inscrire au lieu même de l’impossible qui est au cœur de notre société : la tension irréductible entre la contrainte pour le bien et la liberté.

 

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