Burn-out parental

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En novembre 2016, les médias belges ont transmis les résultats d’une enquête menée par l’Université de Louvain-La-Neuve, qui porte sur la question de savoir « comment être parent au 21e siècle ». Il s’avère que de nombreux parents – entre 3 et 12 %, surtout les mères – semblent en grande difficulté et prêts à démissionner de leur fonction parentale. Un nouveau symptôme, le burn-out parental a fait son apparition, se caractérisant par un épuisement émotionnel, un manque d’empathie pour les enfants et l’idée d’avoir complètement échoué en tant que parent. Les chercheurs indiquent que les attentes et les idéaux excessifs des parents ainsi que la pression qui les accompagne sont en cause dans ce malaise. La réponse consiste en une liste de conseils dans le cadre d’une pratique de suggestion : baisser la barre des idéaux, en réduire le nombre, accepter les limites de votre enfant. Le good enough mother de Winnicott est devenu un good enough parent[1].

Marie-Hélène Brousse indique que les parents contemporains se situent différemment par rapport à leurs enfants et qu’ils sont pris dans une « dictature de l’enfant comme style de vie »[2]. Elle nomme ce style de vie « parentalité », syntagme qui gomme la différence des sexes et branche les deux parents directement sur l’enfant. Mis à part tous les changements relatifs à être un homme/une femme, ou faire couple ou encore comment être mère/père, la naissance d’un enfant garde toujours une grande valeur et l’enfant est l’objet d’un surinvestissement des deux parents. Le discours du maître promeut un idéal familial dans lequel l’enfant occupe une place centrale. L’économie répond habilement à cette tendance : « Je vais au spa et j’emmène… mon bébé. »[3]

Quoique les rôles normatifs et stéréotypés aient fait place à une pluralité de façons d’être parent – les différences de sexe et de fonction sont de moins en moins pertinentes –, l’enquête indique que ce sont surtout les mères qui sont susceptibles d’éprouver un burn-out parental. Les signifiants « mère » et « père » et les identifications correspondantes n’ont manifestement pas disparu. L’apparition des sites internet belges (néerlandophones) créés par respectivement des mères (www.mamabaas.be) et des pères (www.vaderklap.be) nous l’indique. Dans leur nomination, on voit que les mères récupèrent quelque chose qui est traditionnellement attribué aux pères, et vice versa. Mama Baas [Maman Chef] réclame quelque chose de la fonction paternelle comme interdire et autoriser, et Vaderklap [Papacauserie] offre aux jeunes pères un forum pour « raconter, écrire, découvrir et donner un aperçu de comment ils ont vécu leur expérience de paternité ».

La dictature de l’enfant comme style de vie a un double effet. M.-H. Brousse indique qu’il y a de l’angoisse à devenir parent chez de nombreux sujets qui craignent que l’enfant pèse trop sur leur mode de jouissance. C’est cette angoisse que la plateforme en ligne Vaderklap veut atténuer : « Rassurer les jeunes pères et leur expliquer que la vie ne s’arrête pas quand on devient père, mais qu’ils peuvent encore faire un tas de belles choses. » De l’autre côté, quand le réel surgit, on trouve le burn-out parental comme mode de « s’éjecter de la parentalité », de sorte que l’enfant n’est plus un objet agalmatique, mais qu’il risque de devenir objet-déchet. Le site Mama Baas est sensible au piège : « Nous, les parents, nous pouvons admettre qu’il nous arrive parfois de ne pas maîtriser la situation. It’s okay not to be perfect ! »

[1] « Il ne faut pas aspirer à être un bon parent, mais un parent qui est suffisamment bien. », dit Lieven Migerode (psychologue du centre psychiatrique de l’Université Catholique de Louvain) dans le journal De Morgen du 18/11/16. http://www.demorgen.be/wetenschap/parentale-burn-out-nieuwe-hype-of-echt-probleem-bc282795

[2] Brousse M.-H., « Un néologisme d’actualité : la parentalité », La Cause freudienne, n ° 60, Navarin/Seuil, Paris, Juin 2005, pp. 117-123.

[3] Titre d’un article dans le journal belge Het Nieuwsblad du 22/11/2016 (traduit en français par l’auteur). http://www.nieuwsblad.be/cnt/dmf20161121_02583906

 

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